Tambours qui parlent

Gufalo, cousin du garango (cc) Musée Canadien de l’Histoire

Gufalo
Grand tambour porté en bandoulière , cousin du garango
(cc) Musée Canadien de l’Histoire

J’ai évoqué, dans la page consacrée à Souleymane « Solo » Coulibaly, la chance que j’avais eue de pouvoir enregistrer son père Molobaly Coulibaly lors d’une nuit passée à Bobo Dioulasso, l’an dernier.

Il jouait d’un tambour ancien appelé garango, long cylindre de bois creux d’un mètre ou plus, recouvert de deux peaux aux extrémités, qui se porte par une lanière sur l’épaule, et se joue avec deux baguettes. C’est un instrument utilisé lors des mariages traditionnels bwamou, mais aussi, comme on va le voir, lors des travaux des champs. Je vous propose de réécouter ici cet enregistrement en deux partie : la première consacrée au jeu du tambour et la seconde aux explications que me donne Solo à ce sujet.

 

Le « papa » de Solo – 1

Le « papa » de Solo – 2


Langage tambouriné.

Loï-Tambour à fente Musée royal de l’Afrique centrale, Bruxelles (cc) BY-SA Ji-Elle

Loï-Tambour à fente
Musée royal de l’Afrique centrale, Bruxelles
(cc) BY-SA Ji-Elle

Nous avons convenu, avec Gérald, que ces documents méritaient d’approfondir le sujet des « tambours qui parlent » et du langage tambouriné. On trouve de nombreux documents sur internet et nous vous proposons donc d’aller consulter un certain nombre de pages Wikipédia : celle consacrée au tama, celle consacrée aux tambours et à leur langage, qui donne quelques clés de compréhension supplémentaires, ainsi que celle consacré au sabar, autre instrument communiquant emblématique, qui est aussi le nom d’une danse et dont j’ai parlé précédemment.

Hors Wikipédia, on peut encore consulter cet article court mais bien documenté du site PourLaScience.fr, qui détaille justement l’utilisation de ces tambours à fente. Vous pouvez aussi lire ici en ligne (ou télécharger) le pdf d’une étude d’un linguiste universitaire, Georges Sawadogo, dont le titre est un peu rebutant (on le met pour cette raison en citation de bas de page (1)), mais dont le contenu est passionnant (document sous licence Creative Commons, qu’il en soit remercié).

On pourrait résumer ces différentes sources de la manière suivante :

  • la principale raison pour laquelle on ne comprend pas les langages tambourinés, réside dans notre méconnaissance du langage « mimé » ou simulé par eux ! Si on frappait ces tambours avec les intonations d’un air comme « Soldat, lève-toi ! » on les comprendrait aussi bien que le clairon ! Dans cette marche militaire traditionnelle britannique « British Grenadiers » (extraite de la BO du film Barry Lyndon), les fifres s’arrêtent à un moment mais le rythme des tambours suffit à maintenir l’air dans la tête de tout le monde.
  • dans une culture du rythme, ils occupent les fonctions utilitaires qui étaient dévolues, dans nos sociétés, aux chants utilitaires ou chants de travail : chants de marche ou de circonstances (militaires, scouts…), chants de labeur (marins, travaux des champs…), transmission des nouvelles (troubadours, trouvères…), rituels (religieux, aubades…), danses…
  • en particulier la fonction utilitaire de l’exemple tambouriné par le « papa » de Solo (de fonctionnement synchrone d’un groupe d’ouvrier des champs) a son pendant exact dans les chants de marins associés aux manœuvres de la marine à voile (et hisse, et ho !).

Pour finir, nous vous proposons ci-dessous l’extraordinaire court-métrage de Jean Rouch : Les tambours d’avant, Tourou et Biti, réalisé en 1971.

Comme vous pouvez le lire dans la page Wikipédia qui lui est dédiée (cliquez sur son nom pour y accéder), Jean Rouch est un grand amoureux de l’Afrique qui a réalisé des films inoubliables, témoignages précieux de pratiques et de temps déjà anciens. Les bonus du coffret DVD qui lui est consacré justifient, presque à eux seuls, son achat.

Édité par les Éditions Montparnasse et disponible sur leur site.


(1) Georges Sawadogo. Prolégomènes à une « grammaire » du langage tambouriné : contribution à une théorie de la bendrologie. In: Linx, n°31, 1994. Ecritures. pp. 141-159. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/linx_0246-8743_1994_num_31_2_1330