BRIGITTE FONTAINE ET ARESKI

À la base de cette rencontre, il y avait un « monsieur » qui s’occupait des musiques accompagnant les défilés de mode de ma mère.

Au début des collections, la bande-son de ces défilés était réalisée par mon père qui enregistrait les morceaux à la suite les uns des autres sur son Revox, mais quand la marque a acquis de la notoriété, ma mère a choisi d’utiliser les services d’un ingénieur du son plutôt créatif dans son domaine. Il ne composait rien mais ressentait très bien les climats et savait faire des collages appropriés entre des thèmes de Billie Holliday, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, Astor Piazzola que ma mère choisissait pour ses collections. Doté d’une grande culture musicale, il amenait une sorte de magie dans ces enchaînements, un peu à la manière d’un DJ. Ce technicien de talent s’appelait donc (et s’appelle encore) Jean-Pierre CHAMBARD, et on se voyait de loin en loin, de défilé en défilé.

On était en 1977 et un jour où j’écoutais la radio, je tombe sur une interview d’Areski et Brigitte Fontaine pendant lequel j’entends Brigitte remercier plus particulièrement Jean-Pierre Chambard, qui les avait beaucoup aidé dans la réalisation de leur nouvel album. Très étonné (était-ce le même Jean-Pierre Chambard ?), je demande aussitôt son numéro de téléphone à ma mère. Je l’appelle, et il me confirme que c’est bien lui. De mon côté, je suivais la carrière de Brigitte, à travers des disques qui s’appelaient « Comme à la Radio », par exemple, dont le son était très novateur, enregistré avec l’Art Ensemble of Chicago, et on les écoutait aussi volontiers tous à la maison.

Jean-Pierre me dit alors : « Ils font un concert prochainement à Paris, et si tu veux je t’y amène ! ».

Duo Areski-Fontaine (cc JPRoche)

Duo Areski-Fontaine (Photo JPRoche cc)

On va donc les voir, on passe leur dire bonjour avant le spectacle, et dans ce temps très court, juste avant de monter sur scène, je ne sais plus à propos de quoi je leur dis que « la fin justifie les moyens », ce qui fait sursauter Brigitte qui me demande si je suis déjà venu au spectacle, car effectivement dans son déroulement cela apparaissait comme une phrase-clé.

C’est ainsi qu’on peut m’entendre ci-contre, dans le morceau « Patriarcat » de l’album « Vous et Nous », réalisant ainsi ma deuxième séance d’enregistrement avec le sentiment d’avoir franchi un cap et d’être entré dans l’univers professionnel. C’était une grande joie. J’ai participé, en fait, à trois ou quatre autres morceaux de cet album et ces moments ont été de bonheur, à la fois dans la rencontre avec des musiciens que j’aimais et que j’aime encore beaucoup, et dans le début d’une relation de longue durée.

À la suite de cet album on a fait pas mal de concerts ensemble. Être sur scène avec Brigitte et Areski m’a appris énormément. Bien que leurs spectacles soient écrits et jalonnés de repères, ils se placent dans une situation d’improvisation quasi permanente, créant un climat tout à fait fantastique, beau et très formateur.

Je vous propose également une version du « Brin d’Herbe », très sobre dans laquelle je suis seul au Mini Moog pour accompagner Brigitte.

J’ai collaboré avec eux ensuite sur plusieurs albums. Le dernier qu’on ait vraiment fait ensemble était « French Corazon », écrit et composé dès 1984 et enregistré avec l’aide de mon grand ami Thierry Guillemin, mais sorti seulement en 1988 grâce au soutien de la journaliste japonaise Reiko Kidachi.

Areski Belkacem

Areski est devenu au fil du temps, en quelque sorte mon grand frère. On a réalisé ensemble plein de maquettes, dont certaines sont, à mon avis, plus belles que certains titres présents sur son album sorti il y a peu de temps. Il y a beaucoup de complicité entre Areski et moi, car j’ai plus de facilités à parler musique avec lui qu’avec Brigitte qui est définitivement et surtout une poétesse extrêmement sensible. Je vous propose ci-dessous deux exemples bien représentatifs de notre collaboration.

H

Stevie Wonder

I

Vangelis