SEYDOU ZOMBRA

Seydou est burkinabé, né à Abidjan d’un père voltaïque et d’une mère ivoirienne. Il a d’abord été journaliste à RFI, puis chanteur, et cette double activité a, en fait, été à l’origine de notre relation.

Il était en effet venu m’interviewer en 1986 chez moi à l’occasion de la sortie du disque Soro auquel j’avais participé pour Salif Keita et je l’avais trouvé très sympathique, doté d’un sens de l’humour extraordinaire, avec une maîtrise du français que j’envie ! Au cours de notre conversation sur Salif, j’apprends qu’il est aussi chanteur.

Je lui ai alors demandé de me faire écouter ce qu’il avait écrit, et je l’avais trouvé plutôt incroyable, parce qu’il fait partie de ces personnes qui ont une double culture. Sa musique pourrait être qualifiée de « folklorique-moderne » s’inspirant du répertoire combiné du Burkina-Fasso et de la Côte d’Ivoire.

Seydou Zombra - pochette disque

J’avais trouvé ses chansons intéressantes et il m’a proposé de travailler dessus pour réaliser son album, sur lequel a travaillé aussi, pour d’autres chansons, un très bon arrangeur, Éric Randon.

Pour les titres qu’il m’avait confiés, il m’avait donné une très grande liberté de manœuvre et était très disponible à toutes les inventions et propositions que je pouvais lui faire, restant en fait en permanence en attente d’être surpris ce qui est assez rare dans des cultures qui préfèrent le plus souvent qu’on colle à leur tradition. Avec Mory, par exemple, mais c’est vrai avec beaucoup d’autres, dès que je fais un accord un peu « étrange » par rapport aux habitudes, ça le perturbe, tandis que pour Seydou, cela se terminait souvent par un éclat de rire (qu’il a facile !) et c’est en particulier le cas dans le morceau ci-contre, Sinimory tiré de l’album Human Beat (proposé ici en écoute avec son aimable autorisation) :

Par la suite on est devenu très amis, j’allais chez lui tout le temps. Des circonstances ont fait qu’il est venu vivre chez moi quelques temps, puis il est retourné en Côte d’Ivoire où on s’est à nouveau retrouvés à l’occasion de mes voyages… On a de vrais rapports d’amitié et il a fait plusieurs émissions à mon sujet sur RFI quand il y était journaliste.

Plus récemment, la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire (2002-2010) s’est accompagnée d’une désignation, par certains des protagonistes, du Burkina-Fasso comme partie prenante du conflit, ce qui s’est traduit par un climat anti-burkinabé extrêmement violent, qui l’a obligé à retourner dans un premier temps au Burkina-Fasso, puis à revenir à Paris pour des raisons médicales, dans un contexte de grave maladie qui a fini par l’emporter. Je reste, depuis, en contact avec un de ses fils.

J’ajoute ci-dessous deux autres morceaux tirés du même album, qui illustrent bien les univers novateurs qu’il m’autorise à explorer avec lui. Le premier, Yélen est entièrement réalisé avec des synthés ! Et le deuxième, Fangan, explore, avec ces mêmes synthés, les possibilités trop peu exploitées du « micro-tuning » (les micro-tonalités), c’est-à-dire la possibilité d’accorder (en fait désaccorder !) finement chaque note pour créer des gammes simulant les gammes non tempérées des instruments traditionnels africains. Cela permet d’accéder à une couleur plus authentique, plus naturelle, et de faire douter par rapport à l’aspect synthétique du son.

H

Leonard Cohen

I

Salif Keita