MOKHTAR SAMBA
Il y a des gens comme ça, dont je ne peux pas dire grand-chose, si ce n’est qu’ils ont toujours été là, comme de grands frères protecteurs, me prodiguant leurs forces et leur enthousiasme, me redonnant confiance en moi, et dont la présence suffit à me pousser à me dépasser.
Mokhtar Samba, de maman marocaine et de papa sénégalais (ici sa page Wikipédia), me confia un jour que c’était le batteur de Led Zeppelin et le rock progressif anglais qui lui avaient donné envie de devenir musicien. Je l’ai probablement rencontré pour la première fois à l’occasion d’un concert de son groupe Ultramarine, dont il était l’un des fondateurs. Je les trouvais très impressionnants ! Une sorte de numéro d’acrobatie virtuose jazz-rock dont je raffole. À l’époque, Weather Report influençait beaucoup de monde, mais ce groupe allait bien plus loin rythmiquement. Et pour cause ! Car leur maîtrise des traditions caribéennes et africaines dépassait largement dans ce domaine, (et surtout à l’époque !), celle des groupes d’outre-Atlantique.
Je ne l’avais pas approché à ce moment là : trop de monde dans la salle, timidité de ma part ? Qu’aurais-je pu lui dire à part Le sempiternel « j’adore ce que vous faites » (qui m’avait pourtant si bien réussi avec Prosper Niang !).
Heureusement, un peu plus tard, Salif Keita nous avait remis en présence mais cette fois dans un studio, à l’occasion de l’enregistrement de son album Folon (ici la page wikipédia consacrée à cet album et là le morceau Mandela, sur la chaîne officielle que Salif a créée sur YouTube, et sur lequel on nous entend, Mokhtar et moi-même).
Nous avons eu à cette occasion un échange chaleureux mais sans suite : on était très concentrés sur l’enregistrement du disque et, absorbés par le travail, on en a oublié d’échanger nos contacts. Cela arrive parfois.
Avec Mokhtar Samba et Mossan au Baiser salé en 2009
Comment a-t-il fait pour me retrouver ? C’est lui qui m’a rappelé pour m’inviter à un concert de son nouveau groupe Mossan, Nous étions à la fin des années quatre-vingt dix. Il jouait dans ce petit club parisien nommé le Baiser Salé, où les concerts commencent à dix heures du soir et se terminent … faute de combattants ou de public !
À l’époque, Mossan était composé de Ndoumbé Djengué, jovial et chaleureux bassiste qui nous a quitté depuis, Jeff Kelner guitariste enjoué, qui est tombé comme moi dans le bain africain et possède toutes les clés de cette musique, Gérard Carocci, percussionniste multi-casquettes (même si son penchant latino reste prédominant), et surtout, Celia Reggiani, fille de Serge, que je considère comme une sœur spirituelle, et avec qui Mokhtar avait composé la plupart des morceaux du groupe.
Moins axées sur la virtuosité qu’Ultra Marine, leurs compositions étaient pleine de surprises, mais en même temps plus accessibles, plus mélodiques, avec des passages ludiques où il faisait chanter le public, bref c’était moins de la musique pour musiciens.
Ce soir-là, Mokhtar m’invita à monter sur scène, équipé de mon célèbre CS01, je ne me fis pas prier. À la fin du concert, Mokhtar m’a dit quelque chose du genre, « maintenant, tu fais partie de la famille ! ». Et il a ajouté, avec l’humour qui le caractérise : « je sais que tu n’aimes pas les batteurs, MAIS… »
Je suppose qu’il avait entendu dire à quel point j’aimais programmer les batteries avec mes petites machines, surtout à l’époque. En fait il se trompait. J’ai eu bien sûr, comme beaucoup de joueurs de synthés, ma période « je veux tout faire tout seul », mais je connais suffisamment les machines aujourd’hui pour savoir qu’elles peuvent apporter beaucoup à la musique, mais ne pourront jamais remplacer l’humain, sans blague ! Et surtout sur un plan : celui de l’amitié, auquel je tiens énormément.
On a fait plus d’un concert ensemble depuis ! Du Baiser Salé jusqu’à l’île de la Réunion en passant par le Maroc, il m’a emmené partout. Il y a eu de grands moments musicaux et humains, je pourrais citer la rencontre avec des musiciens Gnawa, et les duos de batteries avec son fils Reda, deux machines infernales lancées à plein régime, et Œdipe qui observe en diagonale…
Et j’ai aussi participé avec un immense plaisir à tous ses enregistrements depuis que nous nous connaissons. Mokhtar est un monstre de force et de musicalité, et il sait raconter des histoires comme personne, à la ville comme à la scène. C’est mon grand frère.