XALAM
Xalam existait déjà depuis longtemps quand j’ai fait leur connaissance en 1983. On peut dire que d’une certaine manière, ils en étaient à leur version « 2 » avec Prosper Niang et avaient déjà une très belle carte de visite comme on peut s’en rendre compte sur leur page Wikipédia (malheureusement en anglais uniquement) : tournée africaine avec Miriam Makeba et Hugh Masekala, bande-son utilisée dans le pavillon africain du Disneyworld de Floride (EPCOT), accompagnement des plus grands artistes de jazz au festival de Dakar (Dizzy Gillespie, Stan Getz, Sonny Rollins…) première partie de Crosby, Stills & Nash à Paris, invitation du percussionniste à figurer sur un album des Rolling Stones, apparition dans le film « Marche à l’ombre »…
Et Prosper faisait tout dans ce groupe et c’est d’ailleurs ce qui l’a tué : il s’est littéralement « épuisé à la tâche ». Il s’est déclaré un cancer dont il n’a pas voulu nous parler avant qu’il ne soit trop tard, et ensuite n’a pas voulu arrêter une tournée alors qu’il aurait dû se faire hospitaliser. Il serait peut-être encore des nôtres s’il l’avait fait. Il faisait un énorme boulot extra-musical, c’est lui qui négociait les concerts, il était autant le manager du groupe que son leader musical.
Il est difficile de décrire quels niveaux cet investissement personnel avait atteint : il avait loué, par exemple, une maison à Villemomble où tout le groupe vivait, qui disposait d’un sous-sol dans lequel on pouvait répéter, où les instruments étaient installés en permanence, et il y avait tellement de place dans cette maison qu’il m’est arrivé d’y passer des semaines entières en dormant et mangeant sur place avec tout le groupe. Tout reposait sur la force de Prosper et peut-être aussi sur ce qu’il était possible alors de faire et ne le serait plus aujourd’hui.
Sa disparition en avril 1988 a marqué une rupture et une perte de dynamisme pour Xalam. Le groupe a ensuite manqué terriblement d’un leader, et je me suis rendu compte que d’une manière générale, en l’absence de gens très organisés et tout autant motivés, un groupe ne peut pas vraiment fonctionner.
Mais Xalam ne s’est jamais éteint à aucun moment. Juste il a fait moins de choses par manque d’organisation. Il n’y avait plus de force motrice. Chacun à son tour a essayé de prendre le relai et en particulier Taffa Cissé, le percussionniste, fantastique musicien qui a aussi joué avec Jean-Luc Ponty, …Henri Guyabert, le clavier, mais ces tentatives n’ont jamais duré très longtemps. Il est possible aussi que le « business » ne soit plus ce qu’il était, et que ce soit devenu beaucoup plus difficile de faire tourner un groupe nombreux que dans les années quatre-vingt.
C’est donc surtout par manque d’organisation que j’en fais un peu moins partie aujourd’hui : parfois ils m’informent d’un concert vraiment très au dernier moment, quinze jours avant, disant « Alors, Jean-Phi, tu viens ? » et où ça se télescope avec un concert que j’ai prévu depuis trois mois et que je ne peux pas décommander… Ils le comprennent très bien d’ailleurs, et on n’est pas du tout fâchés, mais il faut accepter que je suis maintenant très occupé, avec un planning qui laisse beaucoup moins de place à l’improvisation.
Nos retrouvailles sont d’ailleurs toujours des moments très agréables pour tous. J’avais cité en décembre dernier dans mes pages Actualités le concert que nous venions de faire au Musée du quai Branly. Je vous propose de nous revoir ensemble un peu plus avant, en avril 2009, à l’occasion d’un concert particulièrement réussi à Dakar.
(Le groupe tire son nom, Xalam, d’un instrument traditionnel africain, un luth ou harpe-luth, d’origine malienne, mais utilisé dans toute l’Afrique de l’Ouest par les griots mandingues ou bambara sous des noms très divers dont celui de N’goni. Nous avons consacré une page spéciale à ces instruments à cordes).
Griot jouant du Xalam (Photo Roland cc)